Mercredi, 26 Novembre, 2008 - 02:06
Je suis Guadeloupéenne, résidente en Suède depuis trente-trois ans. Je suis restée empreinte du petit banc de M. Gérard Lauriette qui m´a confirmé la dimension de ma langue, de ma culture et mes traditions. C´est ainsi que je suis spirituellement très très Antillaise c´est-à-dire que j´ai, entre autre, toujours pratiqué mes Belles Manières Créoles. Sésa !
Un présent est l´action d´offrir quelque chose à quelqu'un. Un cadeau est ce qui est donné. La générosité créole est spontanée. C´est un don et surtout pas du donnant-donnant.
“Donnez ce que vous avez à donner sans lâcher votre kangn (sans vous plaindre), est la règle des Belles Manières Créoles.
Les plaintes sont des expressions de mécontentement qui se convertissent en reproches qui sont des résidus de la déception. Et qu´est la déception si ce n´est le ressentiment éprouvé parce que les autres ne font pas ce que nous attendons d´eux, justement parce que nous ne faisons pas ce qu´ils attendent de nous ? C´est ainsi que " la kangn " est un solide cercle de mesquineries, de mauvaise foi et de flemme. Si vous donnez uniquement pour avoir en retour, vous vous mettez le doigt dans l´œil. Et si vous donnez dans l´intention de reprocher ”Après tout ce que j´ai fait pour toi, lui ou elle...” vous serez plus généreux si vous ne donnez rien. Ce qui n´empêche pas une main de laver l´autre, c´est à dire de s´entraider, en sachant clairement que personne n´aide personne sans s´aider soi-même. La vraie générosité exige le don de réception, à savoir que ce n´est pas celui à qui tu fais du bien qui va te le rendre. Un avaricieux voit ce qu´il donne et pas ce qu´on lui donne.
La magnanimité est admettre que toutes les richesses de l´univers nous appartiennent. Demandez et vous recevrez est une belle parole. Si vous demandez à Dieu, il enverra un être humain. Quant à savoir qui ? un esprit alerte est capital, puisque Dieu seul le sait.
Pas de malentendu. Il est impossible de donner ce que vous n´avez pas. Ce que vous donnez est ce qu´on vous donnera. Et même le plus pauvre a toujours quelque chose à donner. Donnons volontiers un sourire, un soutien, une bonne pensée, un encouragement, une belle parole... créole. Je vous donne un petit clin d´œil. Extrait de “Bèl mannyè kréyòl” : http://www.potomitan.info/penteng/edito2.html
Plantée, enfoncée, arrosée.
Je me suis déjà tellement plantée près des miens, les Guadeloupéens, que je ne peux que m'enfoncer. J'envoie une carte de Noël à un parent Témoin de Jéhovah et je me fais engueuler comme du poisson pourri. J'envoie une gourmette en argent à un autre membre de ma famille qui me rappelle sur un ton ferme qu'il ne porte que de l'or. Sé pa jé. À une copine qui se plaint tout le temps, j'offre un livre pour la distraire, elle me plaque par un : "Je n'ai pas le temps de lire." Pour ne pas avoir à aller faire des courses, ce que l'on doit faire lorsqu'on habite chez les autres (pas chez moi, j'aime bien faire mes courses toute seule), pendant que nous avons une voiture, nous faisons des provisions de sac de riz, de haricots rouges, d'huile, de morue, de hareng saur, de bouteilles de vin, de rhum etc. et qu'est-ce que nous entendons Malté et moi en remettant fièrement nos présents ? "Je ne mange que des racines et du poisson." J'offre un très bel ange à une amie qui me lance : "Je ne crois pas aux anges." Apporter une bouteille de rhum, m'a infligé "Tu ne croyais pas que j'avais du rhum chez moi. Regarde tous les punchs que j'ai dans mon buffet !" J'ai emmené une fois des fleurs à une qui m'a vomi "An pòkò mò ». (Je ne suis pas encore morte.) Nous avons donné une belle lithographie à des amis qui nous ont chanté en chœur "Nous ne voulons pas d'images chez nous. " Un candélabre à un autre qui s'est écrié "Chez moi n'est pas un cimetière." À une autre amie, j'offre un beau fruitier en cristal de la plus grande marque de Suède dans ce domaine, Orrefors, elle me sidère lorsqu'elle me recommande : "Tu aurais mieux fait de me donner l'argent, car je ne fais rien avec ça." Sé pa kouyonnad.
Observer les gestes macaques, comme des scénarios comiques pour pièces de théâtre, est mon loisir favori, ce qui m´entraîne à prendre la responsabilité de mon rôle. Ainsi je ne peux m'en prendre qu'à moi-même puisqu'ils ont tous tout à fait raison. La vérité fait mal et au cas où ils seraient ingrats, encore une fois, ce n'est pas eux qui ont apporté la mode. Qu'on se le dise. Ils se plaignent, mais ils ont tout ce qu´il leur faut. Heureusement ! Et mieux, avant d'offrir un cadeau à quelqu'un, il faut bien le connaître afin de sonder ses besoins. Pour cela, quand on ne vit pas avec la personne, il faut lui poser des questions sur ces désirs et... à la Guadeloupe mon archipel au soleil de 1780 km2, c'est très mal élevé de poser des questions aux gens. Ce n'est du tout de bon ton. On peut se plaindre, mais pas poser de questions. Et tout est secret. Une grossesse. Un mariage. Un cadeau. Pas la mort, à cause des avis d'obsèques à la radio et le nombre de personnes à l'enterrement qui est une preuve de popularité. Mais un baptême peut être secret. Un voyage. Un achat. Un aller aux toilettes. Un repas. "Pa pozé mwen kyèsyon. Pa di entèl sa. Pa rakonté sa a pon moun. Lèmond méchan. Moun mové. On moun di mwen ki on moun di-y ki on moun ki té èvè on moun..." Le fameux croix-sur-bouche. Donc, les désirs de chacun sont des forteresses et... on ne va pas chez les gens les mains vides, selon une règle des Belles Manières Créoles. Allez comprendre ! Quant à merci, à l'heure qu'il est ! Si on attend un merci, vaut mieux reprendre tout de suite ses présents, vous dit-on un air cancanier.
Bien ! Pour marquer la différence entre coco et abricot qui n'a pas de poil, je sais qu'il y a encore des Guadeloupéens qui apprécient le moindre présent, ne serait-ce qu'un sourire ou un appel téléphonique. Il y en a qui sont d'une gentillesse et d'une classe à vous faire fondre comme par exemple pour ne nommer qu´eux, Stéphanie et Steve James, Jean-Luc et Sandhya Gourdine. Il y en a qui font de chaque réception une bénédiction comme ma tante et son époux Sully Charles. Il y en a qui s'ils n'aiment pas le cadeau, vous encouragent en vous faisant croire que vous leurs donnez des millions et ensuite le donne à quelqu'un d'autre qui en a le plus besoin. C'est le cœur sur la main. Le véritable cercle de générosité ! Donner pour recevoir, recevoir pour donner : cycle de l'opulence. J'aime autant donner que recevoir et je reçois à profusion de part le monde grâce à Dieu.
Je répète qu´attendre de ceux auxquels j'ai donné n'est pas de mon ressort, pas parce que je suis plus généreuse ou mieux que quiconque, awa ! Espérer d'eux me distrait de ma vraie source de richesse derdan de moi-même. Et c'est justement parce que je suis égoïste que je tiens à mon griffon d´abondance.
Si il y en a qui se reconnaissent, bravo ! Mais ce qui me chagrine est que sur 451 000 habitants de mon île, j´en connais trop peu qui savent recevoir puisque c´est le sujet. Vous me direz que je n´y vis pas, mais quand même. Persuadée que ce tort vient de moi, je me sens obligée de me remettre une nouvelle fois en question dans le but de m´éviter ces réflexions et d´épargner à mes connaissances à la Guadeloupe mes petits cadeaux indésirables. Quand la vérité est pénible, cette nuisance exige une transformation, est ma maxime. J´ai donc calculé comment me soustraire désormais la règle “On ne va pas chez les gens les mains vides.” et comment m´enrayer cette manie de donner due à la petite voix intérieure qui me rabâche à tire-larigot, que tout ce que j´ai sera donné un jour, aussi autant avoir la joie de le donner moi-même. Je me soigne.
Je commençais à me projeter bizarre, drôle, exigeante, prétentieuse, ce que je peux aussi être, jusqu'à´à ce qu´un jeune chercheur Guadeloupéen à l´université d´Uppsala m´a éclairé. BonDyé merci ! Ansinèl lévé ! Mété limyè !
Après avoir passé six mois en Suède, il est parti un mois à la Guadeloupe et sa première phrase en revenant fût littéralement : “Maxette ! C´est très dur d´atterrir à la Guadeloupe après avoir vécu en Suède. C´est mon pays, je l´aime, mais l´atmosphère est dure donc je comprends tes maladresses. Tu vis dans un autre monde.”
Quel soulagement ! BonDyé bon !
Ce qui ne signifie pas que la Suède est mieux que la Guadeloupe. Dieu me garde ! Pa mélé mwen ! Il n´y a pas de pays mieux que d´autres. Oui ! C´était ma faute, ma très grande faute et pas du tout celle de mes compatriotes. Cette illumination m´amena à enfin à reconnaître, à admettre, à avouer que pour garder mon identité d´Antillaise en Suède et enseigner à ses habitants les belles manières, la joie, la beauté, la culture, la richesse et la générosité Créoles, je dus en effet me mettre des œillères pour créer mon petit monde imaginaire créole à dessein d´offrir le meilleur de ma nation.
Finalement, je comprends pourquoi je me plantais : afin de mieux pousser, croître, me développer et grandir. C´est la culture, puisque nonobstant cet intermède “Men alé men vini fè zanmi diré (Les petits cadeaux entretiennent l´amitié)” est mon proverbe haïtien préféré bien entretenu par Judes Duranty, Marius Gottin, Raphaël Confiant, Jocelyne Paulmain, Régine et Gérard Dorwling-Carter à la Martinique.
En cette période de gratitude, merci pour votre attention, tous vos présents culturels et traditionnels créoles qui me ravissent, me touchent, m´encouragent et m´aident à continuer à propager la générosité Créole : ce sentiment de richesse en ce temps de crise. Merci à mes compatriotes Guadeloupéens, sans leurs réactions, je n´aurais pas capter cette essence de gratitude suivante : seul le présent est cadeau et les petits cadeaux entretiennent la présence. Le reste est échange, ce qui veut dire que le vrai présent est une offrande de Dieu (ou comment vous nommez votre présence ) en une personne, à Dieu en une autre personne.
Mèsi !
Bon Noël O !
Maxette Olsson