Le communiste creole, l’independantiste creole

Les aventures de Damida, la petite créole

ou
Dieu est Maîtresse-Femme Créole

Maxette Olsson

dimanche 22 mars 2009


DEUXIEME PARTIE : LE COMMUNISTE CREOLE, L'INDEPENDANTISTE CREOLE

La littérature créole d'expression française aura donc pour tâche urgente d'investir et de réhabiliter l'esthétique de notre langage. C'est ainsi qu'elle sortira de l'usage contraint du français qui, en écriture, a trop souvent été le nôtre.“ Éloge de la créolité - in praise of creolness - Jean Barnabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant. ( Édition bilingue Gallimard ) !

Le communiste créole

Le communiste était papa Dodo. Le premier homme que Damida se rappelle avoir appelé papa et le premier être masculin à l'avoir paternellement accepté dans son cœur. D'ailleurs, elle appelait Papa tous les hommes qui lui témoignaient une affection sincère. Le plus étonnant est que jamais elle ne s'était directement adressée à son père en ce beau terme familier. Papa ! Elle ne l'avait pas non plus entendu l'appeler Damida.

Beau, grand, très noir, des traits unifiés aux yeux marrons, bien musclé, réservé, généreux et doux comme sirop de batterie, papa Dodo exerçait le même métier que Joseph, le conjoint de la Mère de Jésus : charpentier. Quelle bonté ! Damida reniflait l'odeur des copeaux de bois qui en s'envolant de son rabot, se bouclaient, dansaient dans l'air, se multipliaient de confettis en fête, pour embaumer l'air déjà odorant de vernis lorsque son regard s'échappait de sa concentration, pour doucement se poser sur sa petite personne. Une sensation visuelle rendue dans un jeu de murmures sonores. Ces échanges s'ouvraient toujours par sa constante et douce question.

- Qui c'est la petite fifille à papa ?

Assise à ses pieds dans les éclats de bois, la petite fille marmonnait.

- C'est moi papa Dodo.

- Qui c'est qui est gentille avec son papa ?

-C'est moi papa Dodo.

Il interrompait leur cérémonie pour la soulever jusqu'à ses épaules. Elle l'enlaçait fort en le tenant par son cou et s'enfouissait dans sa tendresse. De sa peau d'ébénier s'émanait l'arôme naturelle du bois scié. Le soir, quelques artisans ouvriers qui ne frappaient pas le domino, se réunissaient dans son chantier pour discuter calmement de la situation des travailleurs indépendants. Au début du rassemblement, en petite fille belles manières de bonne-maman et papa Dodo, Damida allait dire bonjour ! Elle récoltait de la limonade à l'anis servie dans des verres peints sur un plateau à fleurs. "Qu'est-ce qu'elle grandit ta petite-fille Dodo !" soulignaient quelques-uns en chœur. Puis elle rejoignait sa grand-mère qui se confinait à l'étage au-dessus de l'atelier. Déjà que cette dernière devait encaisser la tête haute les méchants commérages du voisinage, toutes ces discussions politiques l'inquiétaient et l'ennuyaient.

- Voyez Fifille adventiste, marié à un nègre communiste-bête-à-diable qui en plus veut l'indépendance. Et qu'est-ce que c'est que cette affaire d'indépendance ? C´est nouveau ça. Ces nègres-là soit-disants qu´ils veulent défendre les travailleurs, commencent par leurs promettre du vent, ensuite ils prennent Guadakéra pour eux. Un nègre comme Dodo qui ne sait pas lire et écrire qui veut l'indépendance. Voilà débat ! Et cette Fifille soit disant en Dieu est marié avec un diable. C'est à ne rien comprendre.

La parole attire toujours la parole. Des petits mots, des grands mots, des gros mots. Des mots de tête. Mots d'esprit. Toujours avec des mots, revenons à bonne-manman. Armée de sa Bible, son bouclier contre l'enfer, elle calculait. À part ses deuxièmes dieux le général De Gaulle et M. le maire Maillard de la Belle-Terre, elle se foutait pas mal de la classe ouvrière et ne comprenait pas pourquoi son mari communiste n'était pas satisfait de sa condition puisqu'elle l'était de la sienne. Elle se posait sérieusement des questions auxquelles Papa Dodo muet hors ses discussions sur la situation des travailleurs, ne répondait pas. Elle épinglait une de ses capelines en paille brodée de "Pa konèt mové. (La connaissance est importante.)" sur ses cheveux teints, et vissait un "Pa mélé-w. (Occupe toi de tes oignons.)" sur la tête de sa petite-fille tendrement surnommée "Ti kyé an mwen (Ma petite queue)”. Main dans la main, bredi-breda, elles se dirigeaient sans flâner vers l'habitation du Guadeloupéen M. Démissien.

- Je ne comprends pas Dodo. Il a un travail, une maison et moi sa femme qui s'occupe de lui. Que veut-il de plus ? Il sait que les gens n'aiment pas les communistes. Pourquoi il a besoin d'être communiste ?

- Il fait sa crise de doute social. C'est un devoir chez l'homme insatisfait de douter. C'est le doute qui rétablit la foi ma sœur.

La déconfiture de la grand-mère de Damida se traduisait par un tic qui consistait à ajuster son chapeau qu'elle portait en permanence par vent doux, faible, fort et modéré, à l'intérieur et à l'extérieur, du matin jusqu'au soir, telle une protection contre les mauvais esprits.

- Je ne suis pas d'accord avec vous Démosthène, laissait-t-elle échapper en retenant sa capeline Pa konèt mové (La connaissance est importante). Ma religion m'interdit de douter.

- Allons Fifille ! Il n'est pas du tout mauvais de douter. Il est clair que votre religion vous interdit le doute, mais demandez vous qui a créé Dieu et vous comprendrez.

- Qui a créé Dieu ? répéta Fifille épouvantée. Comment est-ce qu'on qu'on peut créer Dieu ? Vous n'êtes pas bien ou quoi Démosthène ? La vérité est que Dodo ne va pas au Sabbat. Mes frères et sœurs ne sont pas contents.

En fermant les yeux Démosthène reprit.

- Ceux qui croient en Rien sont souvent plus croyants que ceux qui se vantent de croire en Dieu. Croire en Dieu n'est pas une conception, mais une action. Et croire en Rien est aussi une foi. Pour un artisan, un ouvrier ou un artiste, son occupation est sa religion, sa doctrine, sa philosophie...

- Mais pourquoi on les appelle des communistes bêtes-à-diable ? Et cette histoire d'indépendance qu'est-ce que c'est ? Cela me fait peur tout ça.

- Peur? N'oubliez pas comment mon peuple et le voisinage que j'entretiens pourtant par la belle parole et la main tendue m'ont surnommé ? "L'homme qui a tué neuf cent quatre-vingt-dix-neuf personnes". C'est déjà bien qu'ils ne m'ont pas titré l'homme au bâton. J'échappe à la bastonnade. Quelques soient ce que tu feras ou penseras, tu ne satisferas pas les gens. Ils craignent ce qu'ils ne comprennent pas et jugent d'après leur niveau d'éducation et d'imagination. Je suis jeté de la Guadeloupe pour avoir eu la hardiesse de penser tout seul. Savoir maîtriser sa pensée est une bénédiction, mais penser tout seul est l'essence de l'indépendance et la société ne vous pardonne pas d'être indépendant puisque la société est elle-même une collectivité qui exige la dépendance. C´est d´une complexité.

- Mais pourquoi appeler Dodo un diable ?

- Quelle diable ? Il n'y a pas de diable chez nous. Le diable et ses diablotins sont en fait les effets destructifs de la colère due à l'inadmissible, à l'inacceptable, à l'insupportable.

- Le diable existe M. Démissien.

- Le diable est la turbulence de la pensée qui entraîne l'infernal, la malveillance. Toutes les guerres, les conflits, les crises... sont fondés sur ces adjectifs de la rage. Vous ne changerez rien à tout cela Fifille. Écoutez seulement votre cœur !

- Mais le communisme n'est pas bon ! Même le maire de Fort de France à la Martinique Aimé Césaire a démissionnné de cette politique.

- Il l'a bien dit dans une lettre à Maurice Thorez, ce n'est pas le parti communiste qu'il nie, mais l'usage que l'on en fait.

- Nous devons admettre que tout le monde veut être patron et riche. Tout le monde. Dites moi pourquoi les employés travaillent si ce n'est pas pour se remplir les poches et vivrent bien ? Ils veulent toujours une augmentation. Je suis sûre et certaine que tous les pauvres rêvent de commander et d'être riche comme Crésus. Je veux moi-même avoir un paquet d'argent pour au moins dire une fois. "L'Eternel est mon berger, je ne manque de rien." Ce n'est pas de la blague. C'est l'argent qui est roi. Tout le reste est de l'hypocrisie.

- J'ai moi même été au front de deux grèves à la Guadeloupe, celle du 3 et 4 février en 1925. Les planteurs de cannes à l’usine Duval à Petit Canal se sont révoltés. En réponse 6 personnes ont été tuées parmi lesquels un bon ami d'Anse-Bertrand, Benoît Norbert Pasquin et j'étais bien présent à celle du mois de février en 1930 à l'usine Bonnemère où une femme a perdu sa vie. J´ai aussi protesté contre ses abus et me voilà en exil. Le communisme... entama Démosthène en soulevant sa nouvelle casquette de France récemment offert par un savant de Marseille...”

Ce blanc de passage à Guadakéra qui s'était présenté en tant que Arthus de Léveillé, se disait écrivain dans un journal sur la sorcellerie de France et enquêtait sur la légende du tueur de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf personnes-pourquoi-pas-mille ? Un séjour en compagnie du sage homme semblait l'avoir fait virer bord sur bord car le Marseillais avait écrit dans son journal en France : "J'ai été fasciné par la sapience de l'autodidacte érudit qu'est M. Démosthène Démissien, et je concède à cet homme magnanime l'honneur et le respect qui lui est dus. Je crois plutôt que cette force de vie qu'est cet exilé a ressuscité plus de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf personnes et pas le contraire..."

- Le communisme... reprit distinctement Démissien en se caresant le crâne nu, est une doctrine sociale qui mise en commun tous les biens et l'absence de toute propriété privée... Je viens de lire "La République" de Platon...

- C'est pas pour vous offenser mon frère, mais je ne sais lire que la Bible. Je ne récite que mes psaumes. Et je ne crois qu'en Dieu. En ce moment j'apprends le psaume 91. "Celui qui demeure sous l'abri du Très-Haut, repose à l'ombre du Tout-Puissant." Tout ce que je veux est que Dodo arrête d'être communiste pour construire notre petite maison à nous pour vivre tranquille. C'est pas compliqué. Je demande pas beaucoup. Je connais le monde moi. Il n'accepte pas qu'on ne pense pas comme lui. Le monde est méchant et va lui faire du mal.

Démosthène retira son galurin, s'éventa, se gratta la couenne (le cuir chevelu), se recouvrit, baissa la tête et se remplit les poumons d'un bon coup d'air frais avant de dire :

- Fifille, en foulant le sol de Guadakéra, j'ai promis au préfet de ne pas faire de politique. C'est tant mieux parce que ces organisateurs putatifs de la société forment un nid de corruption. Ils sont tous corrompus. Je ne suis pas communiste et je ne défends pas du tout le communisme, je considère que tous les partis ont leurs avantages et leurs inconvénients. Je sais que les dirigeants sont d'abord des êtres humains.

- Il faut pas dire n'importe quoi M. Démissien. M. le maire Maillard n'est pas un corrompu. Il fait comme il peut. C'est normal qu'il possède beaucoup de maisons et de voitures. S'il était pauvre, personne ne lui aurait donné de l'importance. On ne respecte pas les pauvres. On ne prête qu'aux riches. Il me donne rien, mais je sais qu'il a acheté une grande maison pour sa sœur. C'est pas généreux ça ?

- Il est bien dommage que ce soit ces prévaricateurs qui servent d'exemples, dit le sage entre les dents, puis il haussa la voix : Je vous fait remarquer Fifille que je n'ai point nommé votre M. Maillard. Je serais moi-même plutôt un berger qu'un mouton. Je cherche tout simplement à vous convaincre que Dodo n'est pas du tout un diable. Le diable est un malentendu de l'église qui domine notre système sur l'île et qui ne veut pas perdre ses fidèles. Ce sont ces mêmes sorciers blancs bigotes qui soupçonnent le maléfique dans nos îles qui faisaient commerce avec le corps de Christophe Colomb.

Fifille fit de gros yeux et se retroussa la bouche en cul de poule. M. Démissien souria sous cape.

- Oui c'est vrai. Le corps du découvreur fit un beau tour avant de trouver sa tombe. On me dit sorcier, allez savoir qui fait de la sorcellerie sur les tombes ? Dodo découvre tout simplement qu'il est un homme d'action et pas un être qui se nourrit uniquement de fendre du bois.À l'instar de tout le monde blanc, il veut transformer ce bois en billets craquants.

- Écoutez-moi Démosthène ! Je ne suis ni catholique, ni communiste et je ne fais pas de sorcellerie. Je suis adventiste du septième jour devant Dieu et les hommes et je vais mourir adventiste.

- D'accord, mais vous me demandez, je vous explique ce que je sais Fifille.

- À Esaïe 27 verset 5 à "La restauration d'Israël dit "A moins qu'on ne me prenne pour refuge. Qu'on ne fasse la paix avec moi." balbutia Fifille soudainement empreinte de sa Bible.

- La paix n'est pas le contraire de la guerre Fifille. On me dit indépendantiste. Je suis tout simplement un homme libre. Vous qui vénérez le Général de Gaulle, sachez qu'il n'y a pas plus nationaliste et indépendantiste que lui. De Londres il a appelé son peuple à la résistance, parce qu'il ne tenait pas que son pays soit colonisé par les Allemands. Je ne serai pas étonné que cet ingénieux roublard meure dans son lit. La paix est une absence de conflit intérieur et individuel au profit de la communauté. Qu'est-ce qui serait plus beau de nous imaginer tous en paix avec nous- même... en même temps ?

- Charles André Marie Joseph de Gaulle est pour moi le seul chef blanc qui nous a levé de garde. J'ai pris trop de fer dans le temps à Sorin. Heureusement que mon Général nous a libéré de cette misère. C'est quand même grâce à lui que nous sommes maintenant en paix, que nous mangeons et buvons de bonnes choses de France. Il est et restera mon ami. Notre sauveur.

La grand-mère de Damida se joignait les mains vers le ciel.

- Les bonnes choses de France qui sont chers comme les têtes de nègres au temps des négriers. Écoutez ma chère Fifille, je ne suis pas là pour éteindre la force mythique de votre idole. Il reste malgré tout un grand homme. Elle a l'air bien gentille et attentive votre petite-fille. Ça va bien Damida ?

La petite fille en balançant ses petites jambes au-dessus de la chaise trop haute répondait.

- Oui M. Démissien. Ça va bien merci.

L'indépendantiste créole

– Le communisme n'est pas aussi méchant qu'on le préconise en faisant un drame satanique, continuait le Guadeloupéen. Il se passe que maintenant il a supprimé les libertés individuelles en URSS, un grand dommage, ce qui ne risque pas de se passer chez nous, puisque la démocratie déploie son pouvoir. Si vous lisez par exemple...

- Ah, ne me mêlez pas ? Je ne connais pas USS, je ne fais pas et ne comprends pas la politique. Je me fous pas mal de la démocrassi. Retirez-moi dedans s'il vous plaît M. Démissien! Je crois en une seule puissance, celle de mon créateur : Dieu. Je suis bien contente que Dodo ne soit pas un diable, mais le seul livre que je sais lire, je vous le répète c'est la Bible.

- Mais tout cela est marqué en métaphores dans la Bible Fifille ? Et si je vous dis que celle que vous étudiez n'est pas l'originale.

- QUOI ? Il ne faut pas exagérer..., se rebella la grand-mère. Elle s'essuya les lèvres à l'aide de sa langue, la main sur son chapeau. Là, vous allez un peu trop loin M. Démissien. Je n'ai pas besoin de savoir tout cela.

En balayant l'explosion d'une main Démosthène continua :

- Tout ce que je vous dis est de réfléchir, au lieu d'écouter les cancans et les couillonnades des ignorants. Si vous savez que ce sont ces mêmes personnes qui qualifient Dodo de diabolique qui viennent me demander des formules, en vue de tuer leurs proches ou leurs voisins impunément, vous saurez que ce sont les mêmes qui veulent vous séparer de Dodo.

- Mais qu'est-ce que vous me dites là ?

- Vous avez aussi vécu autrefois dans "Le monde" Fifille, vous savez très bien ma chère amie que politique ou pas, la peur, la vanité, l'envie et la jalousie sont les seuls vrais facteurs du mal trop ancrés dans le cerveau de l'être humain. Ne vous faites pas de mauvais sang ? Restez calme Fifille et tenez bon ! conclut le savant.

Encore une fois, Damida n' avait rien compris de tout ce charabia d'être communiste, mais elle espérait que sa bonne-manman écouterait ce que son flair enfantin reniflait dans les douceurs de papa Dodo. Notamment qu'il n'était définitivement pas un diable.

Tous ces entretiens et ces instructions n'empêchèrent pas les esprits malins de réussir leur coup. Les bisbilles empoisonnèrent la vie de Fifille et son mari Dodo, jusqu'à ce qu'ils s'adressèrent la parole uniquement à travers Damida. "Va dire à ton papa que nous mangerons des balarous aujourd'hui." et de l'autre, "Va dire à ta manman que c'est bon." etc.

Papa Dodo avait un fils aussi doux que lui, d'une dame qu'il n'avait pas marié, qui vivait chez lui et à qui il ne lui faisait pas de mamours. Il lui rappelait chaque jour sévèrement les responsabilités de la classe ouvrière et l'importance pour un homme d'entretenir sa dignité en travaillant.

- Jozé, fè sa'w vlé, il n'y a pas dè so métyé, mé pa jan rété ayen a -fè. Sa pa bon pou lèspwi. Ou sé gason an mwen. Kyenbé kò a-w ! Si-w vlé ou pé rédé mwen. An vépa pon nonm fengnan akaz an mwen. Fè on nonm dè-w ! (Fais ce que tu veux, il n'y a pas de sots métiers, mais ne reste pas à ne rien faire. Ce n'est pas bon pour l'évolution de l'esprit. Tu es mon fils. Tiens-toi convenablement ! Si tu veux, tu peux m'aider. Je ne veux pas d'homme paresseux sous mon toit. Redresse-toi et fais de toi un homme !)

José qui en tel père tel fils avait l'intégrité et la dignité de son géniteur, des qualités renforcées par sa propre personnalité, ne partageait pas du tout son ambition de transformer le bois en meuble, mais il ne répliquait pas à son père. Il agissait en chat de gouttière, allait nager sur le port du Bas-de-Source, pêchait à la ligne, courait, tirait banza (jeu de paume) pour décrocher les oiseaux des arbres, roulait à bicyclette, discutait avec ses copains, jouait au pichin (jeu d'osselet joué avec des petites pierres) avec Damida et la chatouillait à la faire rire aux larmes. Son occupation était de réparer quelques rares bouées trouées qu'il trouvait de-ci de-là sur la plage. Il lui arrivait de s'asseoir des heures sur une grosse roche en fixant la vue principale à Guadakéra d'où se levait et se couchait le soleil : la ligne de l'horizon. Sur une bouée, il bravait les vagues déferlantes qui l'enroulaient avant de le recracher sur le rivage. Il se promettait un jour d'enjamber la ligne. Un beau jour, il s'enquerra de ce qui se passe derrière ce mystérieux et interminable trait continu allongé qui séparait son île d'un autre monde. Pour l'instant, il méditait sur l'existence de Dieu auquel sa belle-mère, bonne manman, qu'il appelait Man Fifille priait avec tant de ferveur.

À suivre... ne râtez pas La grève créole et la danseuse de ka !