Les aventures de Damida, la petite créole
ou
Dieu est Maîtresse-Femme Créole
{ {{Traduite en français à la demande d´un bon nombre d´internautes, lecteurs de MONTRAY et notamment de la célèbre peintre Française-Réunionnaise Déborah Roubane qui a insisté et aussi inspirée par la productrice et la réalisatrice Martiniquaise-Guadeloupéenne Stéphanie James et mon amie spirituelle Seychelloise Jeannette Michel.}} }
Le français comme chacun sait est une ancienne langue créole.
J.-M.G. Le Clézio, Eloge du créole
La France n'est donc devenue réellement, entièrement francophone qu'après la deuxième guerre mondiale. C'était hier! C'est tout récent.
Qu'est-ce que la culture créole ? Raphaël CONFIANT
L'habitation de Mme Magelin se différenciait du voisinage par une barrière dressée de tôles ondulées, rouillées et trouées entre les sinuosités. Damida curieuse comme le bec d'une orphie, y glissait de temps à autre un coco d'œil et restait des heures sous le soleil chaud, collée contre ces brûlantes feuilles en fer à épier ce qui s'y passait de l'autre côté. Sécheron, maigre et aussi haute que sa fortification d'acier, man Magelin ne se mêlait à personne. Même pas un petit bonjour voisine ! Et bien sûr, elle ne levait pas de garde ceux et celles qui à son apparition, lui grignaient un sourire de chien qui mange du caca dans les épines du Christ (jujubier). Ses seules routines en dehors de sa case, étaient la messe à cinq heures du matin à la Grande Église de Belle-Terre et faire son marché. Elle tenait par le bras sa fille, aussi bâtarde que Damida, mais qui portait chaussettes blanches à vingt-cinq ans et marchait les yeux rivés sur son for intérieur, altière, sans virer derrière. De retour sur sa propriété, elle sarclait son jardin, parlait avec ses plantes et chantait toute la journée "Je vous salue Marie" en latin :
Ave Maria, gratia plena,
Dominus Tecum
benedicta tu un mulieribus,
et benedictus fructus ventris tui, Jesus Christus.
Sancta Maria, mater Dei,
ora pro nobis peccatoribus
nunc et in ora mortis nostrae.
Amen
Chaque vendredi émanait de chez elle un effluve odoriférant de plantes et de résine de benjoin brûlées, qui l'avait fait surnommer "Soukout", "Soucougnan" ou "Vyé volan de l'enfer (vieille sorcière)". Un sobriquet donné par des Guadakériens est presque légal et sûrement pérenne. La légende antillaise disait que les volants ou soucougnans étaient des femmes (encore elles) qui à la brune du soir, avaient la faculté de se dévêtir de leur peau pour mieux s'envoler dans les ténèbres à l'aide de leurs seins ailés, vers des banquets diaboliques de sorcières, où elles suçaient le sang des humains qui les avaient contrariés. Ce pouvoir durait jusqu'à l'aube, car ces dames alaires étaient lucifuges. Damida se figurait que cette gent féminine devaient avoir un pouvoir scientifique à inventer un Boeing 707, un coucou qui faisait fureur. La vérité est que les femmes qui ne portaient pas les hommes avec une torche, qui veut dire ne leur torchaient pas le derrière, étaient considérées de nature diabolique. Et si en sus, elles étaient noires comme des bourdons, on les sommait de se dépiauter. Certains assuraient dur comme fer les avoir vu illuminées, pareilles à de gigantesques lucioles. La petite fille se disait que pour les voir, il fallait soi-même être soucougnan. Qu'à cela ne tienne, la seule façon de les juguler, était paraît-il, lors de leurs envols de trouver leur cachette, enduire leur peau de gros sel ou se protéger en portant une croix en bois d'acacia à épines, probablement parce que l'acacia, un bois qui ne pourrit pas, représente l'arbre de vie grâce auquel les émissaires de Salomon purent honorer la mémoire d'Hiram, un maître franc-maçon assassiné par ses compagnons. Il est à savoir que l'acacia raddiana était considéré magique car référé dans les Écritures et très recherché pour la construction entre autres de tabernacles et de pieux. Est-ce les mêmes pieux de Valad Tepes dit Dracula ? Allez comprendre l´incompréhensible de la complexité de la pensée !
Les habitants de Guadakéra n'avaient pas du tout besoin de "Les maîtresses de Dracula" ou "Le baiser du vampire" à l'étoffé de leurs films d'horreur misogynes. Ceux qui revenaient de France soit-disant grands grecs (intellectuels) répétaient comme une rara (crécelle) avec une bouche en cul de poule qu'à Guadakéra il n'y avait pas de culture. Fadaises et billevesées ! C´est derrière culture qu´il y avait culture. La culture était si générale que tous les habitants de l´île étaient au champ. Rappelons que toutes les races se semaient, se plantaient, poussaient et fleurissaient sur cette étendue de terre dans le ventre de l´océan naturellement verte. Et un grand nombre faisait florès. Les Guadakériens et tous les Antillais étaient les plus grands metteurs en scène du monde de films et de théâtre et des musiciens hors pair. Vous pouvez le répéter sous l´eau. Dans ce temps-là, ils étaient scénaristes, producteurs, réalisateurs, comédiens, techniciens, musiciens, distributeurs, comédiens, tragédiens, histrions, danseurs, vedettes, étoiles et tutti quanti. À la Martinique "Le dorlis à la manœuvre" faisait un tabac. Quant aux Guadeloupéens, leur film "L'homme au bâton" un impotent qui se servait d´un pal, était sur toutes les lèvres, mais ils étaient plutôt spécialistes de western. Il fallait voir de grands hommes dégainer à la Lucky Luke une banane jaune ou un pistolet imaginaire.
Écoutez “Django et Zorro” d'André Rédo et vous verrez.
Ne perdons pas le fil du scénario ! Selon les chiens qui jappent pendant que la caravane passe, Mme Magelin était une manman-soucougnan (sommet de la hiérarchie), d'autant plus qu'elle possédait dans son jardin un fromager presque aussi élevé que le poteau électrique de sa rue. Le tronc recouvert d´une écorce grise et lisse, le pied-bois (l´arbre) muni de deux ailes d´ange semblait atteindre le couvert céleste. Son houppier en ombrelle géante abritait un petit pied de mangues greffées. Pour une raison qui ne se connaît pas elle-même, le fromager, soit Ceiba-pentandra dont les feuilles s'utilisaient pour baigner et calmer les bébés qui faisaient des dents, était présumé malfaisant, alors que selon les doyens conteurs, c'était l'arbre sous lequel les ancêtres s'entretenaient, analysaient et structuraient leur conception dans le but de blackbouler l'esclavage. Un exutoire bien sûr non-orthodoxe pour les charrieurs de nègres qui probablement le considéraient comme un instrument de révolte. En attendant chaque premier vendredi du mois, Mme Magelin vêtue d´une grand-robe immaculée, la tête amarrée dans un foulard assorti, déposait au pied de l´arbre, une bougie blanche sur une soucoupe en porcelaine ébréchée ivoire et une assiette en verre de poissons frits et d´igname anbabon en chantonnant “Je vous salue Marie” en latin.
Acacia d'Hiram ou fromager des anciens, personne ne saura la vérité. Son estomac tel un frigidaire qui conservait au frais ses secrets, l'impénétrable dame emplie de sang-froid, éminemment persuadée que le démenti affirme la démence et que son disert silence surpassait tout commentaire populacier, ne perdit jamais son temps à contredire sa renommée maléfique. On ne saurait satisfaire ceux qui ont choisi d'embrasser l'insatisfaction. Elle ne se hasardait à laisser quiconque hanter les coins de sa conscience et n'attendait pas du tout sur les yeux des autres pour roupiller. Savamment barricadée dans son domaine, la "soucougnan" laissait les voisins et voisines au champ comme des malpropres sur leur péché de paresse. Et qu'est-ce la paresse si ce n'est pas un manque d'esprit ? Le même esprit qu'elle s'attelait à maintenir autour d'elle. Elle continuait à chérir sa fille, à se signer à la lune montante, à parfumer son atmosphère d'encens d'église et d'écorces, à siroter des tisanes d'aloès, à aller à la messe de cinq heures du matin et à recueillir l'eau de pluie du vendredi saint. Tous les mercredis-pleine lune, elle mettait trois gouttes de cette eau précieuse dans un seau en fer-blanc déjà plein de trois litres d'eau de sa fontaine, y incorporait une tasse de lait de vache et y noyait des fleurs bonnet d'évêque (Barringtonia speciosa) , des herbes pipe zombi appelées aussi mort aux vaches (Hippobroma longiflora) et une cuillerée de farine manioc qu'elle laissait tremper. Cette mixture lui servait à laver devant sa porte trois jours après, donc le vendredi à trois heures de l'après-midi en fredonnant constamment "Je vous salue Marie" en latin.
Damida était persuadée que la voisine n'était pas du tout une vyé volan . D'abord pour un, par son trou percé dans la tôle, puis par une autre aventure que vous lirez et ensuite par Ali-Baba et Aladin, les héros des contes des Mille et une nuits ( Elf leïla wa leïla ) qui hantaient ses lectures noctambules. Ces Arabes n'avaient pas besoin de nichons pour s'envoler sur leur tapis. Ses coups d'œil rapides dans la bibliothèque de Mme Dugazon la voisine à bajoues lui en avait appris de belles, des vertes et des mâtures. De ses voyages en France, la dame rapportait des vieux livres comme Hérode bien conservés, que ni elle ni ses enfants ne lisaient. Lorsqu'elle faisait visiter sa maison aux grands genres de personnes, elle susurrait d'une voix insipide branchée sur l´imposteur que peut être le futur : " Quand je serai vieille, j´aurai le temps de lire. " Elle en faisait autant des appareils ménagers électriques, de son service en argent, de sa porcelaine de Chine et de ses verres en cristal de Baccarat, dans son somptueux salon. Une superbe bibliothèque vitrée en acajou comblée de livres neufs, les pages souvent hermétiques, une commode du style Empire, un bahut breton, un divan recouvert de soie chinoise où s'étalaient des coussins ronds de toile tissée d'or, tout cela recouvert d'un drap en plastique transparent, composaient l'ameublement qui ne respirait qu'à l'époussetage une fois par mois.
Avant de s´y plonger, Damida humait entre les pages, certaines encore attachées des livres neufs. En reniflant "Roman de la Rose" de l'auteur Jean Meung écrit en l'année cannelle (Saint Glinglin) de 1277, elle avait lu et relu que "... les "lamiae"ou "mascae" qui volent dans les airs, sous le couvert de la nuit, constituent le tiers de la population française." Incroyable mais vrai ! Des blancs qui faisaient soucougnan. Et pourtant, madame Dugazon, belle mulâtresse bien enveloppée, dans une conversation de salon, avait certifié que ces mêmes blancs ne croyaient pas à ces sornettes de vodou, sortilèges et consort et que toutes ces pratiques n´appartenaient qu´aux noirs qu´elle qualifiait d´incultes, car elle au moins, dans sa première jeunesse, elle avait lu “Le Grand Albert“ et “Le petit Albert “ ( livres de magie du 19 ème siècle ). Qui étaient ces hommes-là ? D´accord, il ne fallait pas toujours se fier à ce qu'on lisait, se disait la fillette, néanmoins ses guides, ses éclaireurs dans le tunnel de pa-konnèt (ignorance) étaient les adultes et les écrivains. Que croire ? Damida réfléchissait. Interdite, les yeux écarquillés, elle ouït des pas mystérieux venant de l'entrée de la pièce. Klak ! Klak ! Klak ! Elle se grouilla de mémoriser "l'inquisiteur Pierre Broussard “ avant de se carapater ventre à terre comme un rat.
Inquisiteur ? Que signifiait ce mot ? Elle se rendît à la bibliothèque près de l'église bien gardée par la belle-sœur de l´Indien “La Philo”, une belle dame Indienne coiffée toujours d'un chignon au-dessus du crâne. Sous son regard scrutateur de sentinelle, elle alla directement au rayon de dictionnaires et qu'est-ce qu'elle lit ? Inquisiteur est quelqu'un qui est payé pour fouiller dans ce qui ne le regarde pas. Stupéfiée elle fût d'apprendre que ce qui se faisait pour pas un sou chez les Guadakériens, était un métier chez les Français. Il y en avait de toutes les grades parmi les insulaires : mako-lèlè, mako-a-zèl, doublèvé-tèt-an-ba, rapòtè, fouyaya, krèkrèl, fouyota, èmsèz, konsa, kontrèlè, okipè, mèlwè, antra, fouyapòt, foufou-gongon, sirè, mélwa, konparézon. En fait l´inquisiteur était un représentant du pape qui brûlait les sorcières sur un bûcher ou les faisait empaler. Lorsqu'elle revînt faire son heure cachée de krèkrèl , elle dévora en six-quatre-deux un autre ouvrage qui l'informa sur les goules, les Indiens rouges de l'Amazonie et les chamans. Les goules étaient des suceuses de sang, les Indiens rouges mâchaient un champignon qui les métamorphosait en oiseau de nuit ou de jour et les Indiens jaunes qu´on appelle chamans prenaient leur envol magique. Et tous planaient selon leur bon vouloir en faisant ce qu´il appelaient “ Le voyage de l´âme ”. Quelles affaires et ça ? Quant aux Chinois de Chine et les Hindous de l´Inde, chanter des courtes formules jusqu´à l´illumination était leur prière. La mâchoire décrochée par l'abasourdissement, la petite fille rangea le bouquin et conçut que les Arabes, les Indiens rouges, Les Indiens jaunes, les Hindous, les Chinois et les blancs faisaient sorciers plus fort que les Guadakériens, c'est-à-dire qu'ils étaient encore plus jaloux, puisqu´en créole la jalousie est apparentée à la sorcellerie.
Quoique Madame Magelin n'appartenait pas à sa catégorie de soucougnans, Damida était convaincue de l'existence de ces suceuses de sang. Quoiqu'ils sont mal dans leur peau, ces suceurs de sang des deux sexes ne s'envolaient pas du tout à l'aide de leurs tétons, mais restaient solidement terre-à-terre. Ces êtres de toutes races, de toutes classes et toutes catégories enrobés de miel du diable qu'est l´hypocrisie amère comme fiel pénétraient subrepticement les failles de leur entourage et pompaient leur force de vie. De vraies sangsues. Non ! Ne confondons pas la noix de coco et l'abricot-pays. Ils se ressemblent, mais la noix de coco contient de l'eau et l'abricot une grosse graine. Écoutez bien ! Donc, pas les sangsues que man Inès la guérisseuse appliquait sur la peau simultanément avec les ventouses afin d'aspirer le mauvais sang noué dans la vieille colère, justement à cause des suceurs, non ! Ces metteurs à sec avaient une tête, deux pieds et deux mains et geignaient sans cesse. Ni la croix en bois d'acacia, ni l'ail ni les balles en argent qui exterminaient Dracula ne les affectaient. Ils étaient envieux, de cette envie qui les rendait inconsciemment toxiques, hostiles et malveillants. Vous les remarquiez par l'épuisement que provoquaient leurs présences et par la manière dont ils avaient de vous submerger de leurs problèmes, afin que vous les résolviez à leurs places. Cependant, puisqu'ils agissaient selon la racine de pa-konnèt (ignorance) qui n´a pas bon goût, ce n'était pas de leur très grande faute. Ne pas savoir est un pays qui mérite d´être exploré, est une belle parole créole. Avant d´arriver dans ce pays, cet état (d´esprit) il faut faire le voyage : cette pérégrination intérieure qui exige la présence d´esprit n´est pas facile pour certains. C´est ainsi que le meilleur procédé pour ne pas se faire inutilement sucer était de déceler les suceurs, mais ne pas se faire du mauvais sang. Ils s'en délectaient et il ne fallait surtout pas les désaltérer de coup de sang. Se faire un sang d´encre ne servait à rien, ils savent lire, mais ne lisent pas, tandis que le sang chaud était leur tisane. Il suffisait plutôt de garder son sang-froid et sans suer sang et eau les identifier, ne jamais les sous-estimer, respirer, se relaxer, les écouter attentivement, les considérer et à la moindre alerte, se fixer des antidérapants, émettre une bordée de rayons lumineux, et se déplacer à la vitesse de la lumière, environ 300 000 km/s tout en étant ubiquiste : c'était et c´est toujours la recette de faire soucougnan.
En ce qui concerne Mme Magelin, Damida croyait plutôt qu'elle avait la puissance des fées qui récréaient les contes de Perrault. Elle s'évertuait à trouver comment utiliser le pouvoir de "La soucougnan" contre son terroriste de beau-père qui venait de s'acheter un fouet. "Ce fouet s'appelle Damida, lui avait informé son tortionnaire en lui mettant l'objet cruellement personnifié sous le nez. Il va te cravacher jusqu'au sang si tu ne m'obéis pas." Et toutes les fois que son regard tombait sur la fillette, il la fouaillait. Damida ne détestait pas le mari de sa manman, car pour qu'un homme batte une enfant, il fallait être dément soit irresponsable. En vouloir à un irresponsable est s´aliéner soi-même. Par contre, elle haïssait ce fouet et tout ce qui l'accompagnait, même les masques à fouet.
Damida rêvait d'être une Déesse-faiseuse de miracle afin de ne plus se faire fouetter. Elle avait lu qu'il y avait une Déesse qui réalisait des désirs en Haïti , Erzulie, contrairement à Guadakéra où régnait une diablesse munie d'un pied de bourrique ( la diablesse a une patte d'âne à la place de pied dans la légende antillaise ). Une bourrique ? L'animal qui symbolise l'idiotie, dont la chair était dégustée par les hommes incapables d´érection. À défaut d´être Déesse, elle devînt sorcière en herbe et cogitait. Elle calculait, calculait et calculait quand... un jour béni, une lueur animée par un cyclone d'audace lui souffla une idée endémenée qui l'encoiffa : elle enroula le fouet avec une de ses propres branches pour en faire une lance, s´éloigna un peu loin de l´enceinte en tôle, se déplaça en pas croisé, prit l´élan d´un lanceur de javelot et dans un catapultage, propulsa la cravache du beau-parâtre par-dessus les tôles du barrage de madame Magelin.
À sa prochaine poussée de sadisme, le beau-père Fouettard en chasse, chercha son objet de flagellation dans sa cachette, un coin derrière l'armoire, avec le culot de babiller :
- Ola fwèt an mwen ? (Où est mon fouet ?)
-Je ne sais pas et je ne l'ai pas touché, mentit-elle avec aplomb en le fixant dans le mitan de ses yeux sans ciller.
Décontenancé, le fouetteur continua fébrilement à chercher son butin jusqu´à oublier pourquoi il voulait fustiger sa belle-fille. Ce jour-là, Damida crût à la toute puissance des femmes qui chantent "Je vous salue Marie" en latin et toutes celles qu´on accuse d´être des sorcières soient des femmes qui font la magie noire, alors que la magie n´a pas de couleur. Car Adrien désormais lui mettait son poing fermé sous les narines en disant :
- “ Ou ka santi'y ! (Renifles le !) Tu as intérêt à rester tranquille si tu ne veux pas l'avoir dans la figure."
Elle eût dorénavant droit aux coups de ceinture, de poings, aux calottes, aux tòbòk (coup brefs sur le crâne avec l'index et le majeur pliés), mais l'instrument de torture des esclaves ne revînt plus jamais de l'autre côté de la clôture et le fouet fût rayé de la mémoire du flagellateur.
Aujourd'hui, Damida n'est plus fouettée, mais caressée. À l'heure qu'il est, elle a capté que sans le noir, la lumière ne serait pas. Et elle croit que tout ce qui existe a un esprit même les circonstances parce que tout est en ordre dans l´univers. Elle s´identifie à toutes les Déesses noires. Elle étreint les arbres et converse avec eux ainsi qu´avec la pleine lune et les yeux divins que sont les étoiles. Chaque vendredi, elle brûle de l'encens et sonne les cloches dans tous les coins de sa maison pour inviter l´harmonie. Elle prend des bains de gros sel et se frotte le corps de citron vert. Elle récure sa maison avec de l'eau parfumée. Parfois toute seule, elle chante des cantiques, rit aux éclats et se raconte des histoires comme celle-là. Elle fait soucougnan c'est-à-dire entre autres, elle s'assied tranquillement en pleine lumière, s´installe en elle-même, inspire et respire en disant : “ Merci Madame Magelin ! “ et elle prie :
La Diablesse
La Diablesse est Notre Dame,
Guide des nègres marrons,
Au temps où agissait l'âme
Elle pleure les malentendus,
De son peuple sans Déesse.
Elle gémit d'être revendue
Telle une zombie en détresse.
Écoutez pour entendre,
Sa prière divine
Qui s'envole sans esclandre,
Ô son de la mandoline!
La Diablesse est... toutes les Femmes,
Ces accoucheuses du Fils,
Dans le foin tout en flammes
Qui grillent leurs entrailles à la coupe du nombril.
Écoutez pour entendre,
Sa prière divine
Qui s'envole sans esclandre,
Ô son de la mandoline!
Ô Shakti!
Ô Erzulie!
Ô Tituba!
Ô Vénus!
Ô Néfertiti!
Ô Aphrodite!
Ô Fatima!
Ô Sainte Mère de Dieu!
Ô Matérasu Omikami!
Ô Isis!
Ô Oya!
Ô Freja des vikings!
Ô Mouso Koroni!
Ô Iémanja!
Ô Statue de la Liberté!
Ô Princesse Zingha!
Ô Anacaona!
Ô Vierge Noire!
La Maria de la Guadalupa.
Ô!
Ô MANMAN!
Pourquoi m'a-t-on appelé Diablesse
Tout là-bas sur mon île au soleil?
Je ne suis que Poétesse,
La Déesse de mots et merveilles!
Écoutez pour entendre
MA prière divine!
Elle s'envole sans esclandre
Ô son de la mandoline!
N'oubliez pas le tambour!
C'est le rituel des Déesses!
Les soucougnans existent partout. Ha, ha, ha, ha ! Ha, ha, ha, ha ! ... Il y en a de plus en plus. Une pluie de Paix et de Lumière sur tous ceux qui lisent cette histoire magique.
Maxette Beaugendre-Olsson
Extrait de “Dieu est Maîtresse-Femme Créole” ou “Les aventures de Damida”.
Maxette